Quel dentifrice choisir ?

Une question que j’entends très souvent, dans ma vie privée comme dans ma vie professionnelle : Quel dentifrice utiliser ? Il est bien celui-là ? Tu en penses quoi ?

Cet article a bien évidemment pour objectif de répondre à la question, mais pour cela, il faut d’abord que j’explique ce qu’est un dentifrice et à quoi ça sert.

Histoire

Vous vous imaginez nettoyer vos dents avec de l’argile et du charbon ?  C’est pourtant ce que faisaient les égyptiens avec un mélange qu’ils appelaient « sonabou ». Mais ce ne sont pas les plus anciennes traces d’un produit utilisé comme du dentifrice, la preuve avec cette recette qui date de 4 000 ans : miel, fruits de palmier, phosphate de plomb. A l’époque, ce que l’on va appeler ici « dentifrices » sont plutôt utilisés comme des chewing-gums, avec l’objectif de nettoyer les dents, mais aussi de les soigner. Et c’est dans le même but que les compositions vont évoluer, avec l’apparition d’épices pour donner du goût, et de gomme pour permettre une mastication plus performante. Mais étant vu comme des produits devant soigner, on va dans l’histoire chercher à leur donner mauvais goût, comme pour les rendre plus « efficaces » : pour cela tout est utile, comme l’urine, les plantes fermentées ou les déjections d’animaux. Je vais jeter un voile temporel et de goût sur tout ce qui a pu être utilisé en guise de dentifrice, pour atterrir au XVème siècle où l’on cherche à avoir un produit qui râcle, qui abrase, qui érode presque. En échange, on y ajoute de quoi donner l’haleine fraîche.

Au XVIème siècle, c’est une autre ambiance : s’appuyant certainement sur le principe que seules les personnes sales se lavent, il devient mal vu de prendre soin de soi, et donc de ses dents. Heureusement, l’hygiène reprend de l’importance aux siècles suivants, avec des dentifrices se rapprochant de la fonction qu’on leur accorde aujourd’hui : ils contiennent alors du clou de girofle, voire du tabac . Oui, vous avez bien entendu du tabac : c’est un produit exotique, mais nouveau et à la mode, auquel on accorde mille vertus. Il en sera de même pour le café un peu plus tard.

Et ce fameux tube de dentifrice, dans lequel il a toujours été difficile d’attraper les dernières noisettes : il date de 1841. Puis les progrès n’ont pas cessé jusqu’à aujourd’hui, avec des progrès parfois scientifiques, mais le plus souvent commerciaux.

Réglementation

Un dentifrice répond à la réglementation européenne sur les cosmétiques. Un cosmétique, pour le dire vite, c’est un produit qui pourra être mis en contact avec une partie du corps humain, ici les dents et les muqueuses buccales, dans le but d’en prendre soin. Sans pouvoir se vanter d’avoir des qualités de médicament, il peut tout de même jouer un rôle sanitaire, comme c’est le cas des dentifrices dont nous parlons, mais aussi des crèmes solaires,  par exemple.

Certains dentifrices ont un statut de médicament, d’autres sont considérés comme des dispositifs médicaux selon la réglementation européenne : c’est notamment ce qu’il fait qu’ils seront vendus en pharmacie, plutôt qu’en grande surface.

Ce qui fait basculer le dentifrice d’un côté ou de l’autre de cette frontière, c’est sa composition, selon sa quantité d’un ou plusieurs éléments : du fluor, essentiellement, mais aussi de la chlorhexidine, par exemple. Lorsqu’il devient un médicament, le dentifrice doit alors bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché, ce que l’on appelle aussi AMM. Une AMM est là pour attester que son efficacité est démontrée, que ses effets indésirables sont prévisibles, et qu’il est de qualité. Au passage, il n’y a qu’un seul type de médicament qui bénéficie d’une AMM sans avoir à attester de son efficacité : je vous laisse deviner lequel, et vous pourrez répondre en commentaire.

Mais revenons [CIV6] aux dentifrices.

Composition 

La composition d’un dentifrice est très variable, mais aujourd’hui, il est impensable qu’il ne contienne pas de fluorures, avec des quantités différentes selon l’âge de l’utilisateur. Les excipients, c’est-à-dire les produits qui aident à maintenir les produits actifs mais sans être eux-mêmes actifs, composent une grande part des dentifrices, en leur permettant d’être une pâte : des gélifiants, des tensioactifs, des conservateurs, mais aussi simplement de l’eau, et de quoi retenir cette eau (des agents humectants). On y trouve aussi des abrasifs, mais qui ont un rôle à jouer dans la fonction du dentifrice, sans être pour autant une substance active. Enfin, on peut y retrouver des produits sans intérêts premiers, comme des colorants, des édulcorants, des arômes.

Dans les dentifrices proposés sur le marché, on en trouve certains qui utilisent l’appellation « dentifrice naturel ». Derrière ce nom sont proposées des solutions commerciales à vertus environnementale et sanitaire. Cela veut-il dire qu’un dentifrice peut contenir des éléments à risque ? Eh bien, ce n’est pas totalement faux. En effet, on peut y trouver des allergènes (qui ne sont pas toxiques en soi, mais peuvent être contre-indiqués chez certaines personnes), des perturbateurs endocriniens (butylparaben, propylparaben, triclosan) ou du dioxyde de titane qui est un cancérogène possible, avec pour seul intérêt de colorer le produit…en blanc.

Contenir des produits d’origine biologique n’apporte rien en termes de santé, tout comme les huiles essentielles (qui peuvent de surcroit avoir elles aussi des effets indésirables) et ces produits présents dans le dentifrice servent à en améliorer la consistance, la tenue, la réaction (en faire mousser certains par exemple), le goût, la couleur. Pour éviter leurs effets indésirables, il suffit de ne mettre qu’une quantité raisonnable de dentifrice sur votre brosse : une noisette dans le sens de la largeur par exemple. Et surtout à en changer s’il vous crée des irritations ou des réactions indésirables.

Concernant les dentifrices homéopathiques, leur seule particularité est de ne pas contenir de menthe , car celle-ci est préjugée interférer avec les traitements homéopathiques. Ce qui ne s’appuie sur aucune donnée fiable, tout comme aucune étude ne démontre un quelconque effet d’un traitement homéopathique, au passage. Mais c’est une autre histoire. Retenez juste que le mot « homéopathique » sur un dentifrice n’est qu’un argument marketing.

Concernant l’environnement, la question est plus complexe et n’est surtout pas dans mes compétences. Est-ce qu’un dentifrice solide est meilleur pour l’environnement avec un emballage réduit ? Je n’en sais rien, en revanche, je les trouve à titre personnel moins pratiques à utiliser, et une bonne partie ne contient pas de fluor. Eventuellement, il en existe aussi en pâte qui peuvent être distribués dans des pots réutilisables.

Une marque française a proposé récemment, et dans un objectif initialement louable de zéro déchet, un dentifrice à croquer estampillé « naturel et bio » : ce dentifrice est à éviter car il ne contient pas de fluorures. Et aussi peu naturel qu’il n’a de composants issus de l’agriculture biologique, au passage.

Quant aux recettes de dentifrices à faire soi-même que j’ai pu trouver en ligne, je vous les déconseille fortement : pas de fluorures, des agents parfois trop abrasifs, des produits trop basiques (pas simples, hein, mais avec des pH élevés), pas de conservateur antimicrobien, des proportions trop aléatoires, parfois des huiles essentielles contre-indiquées pour un usage en bouche.

Si vous voulez en savoir plus sur ce sujet, deux chercheuses en cosmétologie en ont examiné 500, je vous mets le lien en description

Quelles sont les marques que je recommande ? Aucune ! (chut chut pas de marque)

Les dentifrices mis sur le marché sont estampillés NF ou CE. Le marquage NF est attribué par l’AFNOR lui donnant ainsi un gage de qualité et de sécurité. Quant au marquage CE, il signe un dispositif médical et devient garant du respect des réglementations en cours en Europe. Les marquages FDI ou UFSBD ne sont pas des marques de qualité ou de performance, mais juste des accords avec ces structures, chacune pouvant justifier différemment l’apposition de son nom sur un tube d’une marque en particulier.

On ne peut pas vraiment dire qu’il y en ait un meilleur que les autres : choisissez-le selon l’âge et selon votre goût. Si vous ne l’aimez pas, il vous sera moins facile de retourner à la salle de bain le mettre dans votre bouche deux minutes le matin puis deux minutes le soir.

Parfois, certains dentifrices sont proposés pour des problèmes de gencive, de dents sensibles, de dents colorées, de dents à renforcer contre les caries.

Déjà, le renforcement de l’émail est permis par les fluorures que vous devez forcément retrouver dans un dentifrice. Préférez un dosage qui correspond à l’âge, mais n’ayez aucune crainte car je vais vous dire un secret : il ne peut pas y avoir trop de fluor dans un dentifrice, ce n’est pas possible. En effet, contrairement à l’eau de consommation qui peut amener un surplus de fluor avec les risques inhérents, la quantité présente dans une noisette de dentifrice est suffisante pour la prévention buccodentaire, mais très éloignée d’une éventuel surdosage.

Pour les gencives, il n’existe pas de preuves solides qu’un dentifrice serait vraiment plus efficace que les autres.

Les dentifrices « antitartre » contiennent des pyrophosphates et semblent être efficaces pour diminuer l’accumulation de tartre, sans que cela ne compense un brossage dentaire approximatif. Plus de la plaque s’accumule à la surface des dents, plus elle sera susceptible de se transformer en tartre.

Ce qui a du sens, en revanche, ce sont les dentifrices pour dents sensibles. Sans agir sur la cause, ils permettent d’amener du nitrate de potassium ou des fluorures stanneux qui viennent obturer les tubulis dentinaires (ces microcanaux qui parcourent la dentine et communiquent entre l’extérieur et l’intérieur de la dent) : ils ne restent pas longtemps et s’évacuent après le brossage, mais comme vous en remettez au brossage suivant, ce n’est pas grave.

Enfin, les dentifrices pour blanchir les dents sont de deux types : ils ne permettent pas quoi qu’il arrive de blanchir les dents, mais davantage d’enlever les tâches, grâce à des agents plus ou moins abrasifs. Parfois, ils peuvent contenir du peroxyde d’hydrogène, un agent blanchissant qui vient détruire les colorations en gros, mais il est interdit en France de dépasser les 0,1 %, ce qui ne leur donne aucune efficacité concrète sur le temps de brossage à cette concentration.

Pourquoi malgré ces différentes actions, efficacité prouvée ou non, je dis que le choix du dentifrice n’a pas spécialement d’importance ? Tout simplement parce qu’il est là pour jouer le rôle d’interface entre la brosse, les dents et la gencive. Et pour apporter du fluor. C’est tout.

Ce qui va peser dans la balance pour une bonne santé buccodentaire : c’est le brossage deux fois par jour, pendant deux minutes, avec une brosse-à-dents souple, en s’intéressant aux dents et à la gencive, et en assurant le nettoyage interdentaire avec du fil dentaire et/ou des brossettes interdentaires. That’s all folks !

Quant aux bains de bouche, nous aurons l’occasion d’en parler dans une autre vidéo.

Un dentifrice pour le futur ?

Pour répondre aux craintes pourtant infondées sur le risque d’excès de fluor, des chercheurs ont cherché à utiliser d’autres substances. Actuellement, l’hydroxyapatite biomimétique a le vent en poupe et montre plutôt de bons résultats. Le principe est assez simple : l’hydroxyapatite est le composant caractéristique de l’émail et l’idée est donc d’exposer à chaque brossage l’émail à ce composant pour le réparer ou le reconstituer.

Une autre piste à explorer pour l’avenir est celle de dentifrices pour prendre soin des gencives. Les problèmes parodontaux, c’est-à-dire des tissus de soutien des dents, vont prendre une place de plus en plus importante en termes de santé publique : les recherches portent notamment sur les polyphénols (du vin rouge, de la canneberge, du thé vert ou des œillets) qui pourraient apporter des bénéfices.

Les autres progrès vont concerner l’environnement, comme tous les produits cosmétiques ou d’entretien, avec les questions d’emballage, mais aussi de pollution des eaux après usage. Il est à noter que les quantités de dentifrice que nous devons utiliser n’ont pas besoin d’être exagérées : une noisette posée en travers de la brosse suffit largement. Je dis ça pour votre portefeuille, pour les tâches sur le meuble de salle de bain noir, mais aussi pour l’environnement. J’espère avoir, avec cet article, répondu à toutes vos interrogations. Vous pouvez aussi reprendre les vidéos que j’avais tourné sur le fluor et le brossage dentaire. Si je n’ai pas tout exploré et qu’il vous reste des questions, n’hésitez pas à les poser en commentaire : je tâcherai de répondre à tous.